Live Report : City and Colour + Hannah Georgas @ le Trabendo de Paris (75) – 05/02/14
Le mercredi 05 février dernier, City and Colour était de retour en France pour un concert unique au Trabendo de Paris (75) avec Hannah Georgas, autre signature du label Dine Alone Records, en ouverture. Découvrez dès maintenant dans la suite, notre live report de la soirée.
Bon, il faut bien l’avouer, le Trabendo est une salle surprenante. Cachée dans le parc de la Villette, la salle imaginée par l’architecte Bernard Tschumi ne ressemble à aucune autre, ne serait-ce qu’en raison des espaliers aux formes géométriques semés dans la salle, qui font cependant un bon marchepied pour voir le concert aux premières loges.
Après Twin Forks en juin dernier au Café de la Danse, c’est encore une incroyable première partie qui ouvre pour City and Colour : la canadienne Hannah Georgas. Nous sommes un peu obligés de parler de l’évidente et étonnante ressemblance de timbre avec sa compatriote Feist. Même voix suave, aérienne et envoûtante, avec le petit plus d’une belle énergie live résolument moderne, cadrée par une batterie irréprochable, inventive et puissante.
Une demi-heure et pas de temps additionnel pour cette première partie, qui laisse un goût de trop peu et une grosse envie de la revoir, qui sait, en tête d’affiche ! Le changement plateau est l’occasion d’aller acheter le vinyle de son dernier album éponyme sorti en 2012, d’échanger quelques mots avec elle, ainsi qu’avec Juice, merch-guy attitré de City and Colour depuis de nombreuses années et aussi employé de Dine Alone Records (label des deux groupes de ce soir), avec qui nous échangeons autour de la box set d’Alexisonfire, sortie en décembre dernier et reçue il y a peu. Alexisonfire, ancien groupe de Dallas Green, et fantôme de l’opéra de la soirée.
Trente minutes et quelques bières plus tard, le noir revient dans la salle en même temps que résonne une musique qu’on aurait pu entendre pour l’entrée d’un catcheur de la WWE. Dallas Green monte sur scène, suivi des musiciens qui l’accompagnent, dont certains déjà présents sur la date de juin dernier.
Le concert s’ouvre très fort, très vite. Les sons sont dissonants, discordants, agressifs, un poil trop peut-être, les trois premiers morceaux sont particulièrement dérangeants, avant que l’ingé son n’adoucisse un peu son mix et que nos oreilles s’habituent. Mais le ton est donné. Amoureux des belles ballades romantiques à la guitare folk, repassez plus tard, quand Dallas Green n’aura plus la tête dans son ampli, disto hurlante, guitare miaulant ses larsens. Les premiers morceaux Of Space and Time et Ladies and Gentleman sont revisités par ces arrangements rock. On a presque le sentiment, à le voir sur scène, qu’il émane une certaine nostalgie rageuse de l’époque Alexisonfire. Dallas Green évoque directement son ancien groupe (chose suffisamment rare pour être soulignée) en engageant la conversation avec le public: “On a joué ici avec Alexisonfire. Vous connaissez Alexisonfire ? D’ailleurs peut-être que certains d’entre vous y étaient… Non ? Levez la main ceux qui étaient là !” Il scrute le public et rit. “Non vous êtes des menteurs, il y en a qui disent qu’ils étaient là, mais c’est pas possible, on était moitié moins nombreux que le nombre de personnes qui ont levé la main”.
Si le canadien n’a pas été très loquace pendant toute la première partie “gros-son-de-guitare-dans-ta-face”, il se détend alors que les musiciens sortent du plateau et plaisante sur son pull.
Revenons un instant sur l’affaire du pull en laine. Après sa musique d’intro que n’aurait pas renié Beyoncé, Dallas est apparu… en pull. En gros pull brun-rouge qui gratte (on n’a pas touché, mais on est à peu près certains qu’il gratte). Bon évidemment on ne s’attendait pas au smoking trois pièces, mais quand même… en pull ? Bref, Dallas Green est en train d’expérimenter la cuisson à l’étuvée dans son pull, il enlève donc ses lunettes mais confie que, contrairement à ce que certains pourraient penser, les lunettes ne sont pas une lubie de hipster stylé, mais indispensables pour se déplacer. Il plaisante sur le fait de ne réussir à s’accorder que grâce à la présence de la LED verte de son accordeur.
Revenant sur le passage d’Alexisonfire au Trabendo (en 2006), il s’arrête pour confier une anecdote plutôt intime. Il confie qu’à l’époque, avec les tournées, les sorties (et probablement les excès), se posait le problème de l’éloignement de son foyer, de la vie nomade et sans racine. Il compose donc le texte de ce qui deviendra Comin’ Home. Il insiste sur le fait que cette chanson, et ce qu’elle représente lui tient tellement à cœur qu’il se l’ai fait tatouer sur le bras. Il confesse, ému, entamant le morceau “C’est drôle, les années passent et les problèmes restent les mêmes”.
Émouvant, Dallas Green l’est toujours, et le public est happé par ce passage guitare/voix. Pour que l’émotion reste intense, il insiste auprès du public pour que les smartphones restent dans les poches pendant au moins un morceau, pour “Vivre la chanson tous ensemble, en vrai, pas à travers un petit écran, qui ne produira de toutes façons qu’une vidéo tremblotante, floue, avec un son pourri. Vous pourrez regarder plein de vidéos tremblotantes, floues, avec un son pourri sur YouTube. Pour le morceau suivant, vivons juste le truc réellement, tous ensemble”. Il encourage également le public à chanter avec lui : “Si vous ne connaissez pas les paroles, c’est pas grave, faites humhum, chantez ce que vous voulez, l’important c’est de croire que vous connaissez les paroles. Et si vous connaissez les paroles, et que vous êtes à côté de quelqu’un qui ne dit pas les bonnes paroles, soyez sympa, ne lui reprochez pas. D’ailleurs, vous n’avez peut être pas les bonnes paroles vous non plus !” Il termine en riant : “J’ai lu les paroles que vous postez sur Internet et ce ne sont pas toujours les bonnes non plus !”.
Le groupe fini par revenir sur scène et ils entament à nouveau des morceaux très puissants et lancinants, tels les lascifs Fragile Bird, Little Hell et Thirst, qui font monter de plusieurs degrés la température. (Tu le regrettes ton pull, hein Dallas…) Il exhorte le public à se laisser aller sur sa musique: “Come on Paris ! Don’t be shy !” Ils prennent un vrai plaisir à jouer ensemble, à partager et délivrer un son agressif, entêtant, à faire hurler les guitares, voler les nappes de clavier, claquer la batterie et vomir la basse. Ils nous plantent là, sortent de scène, la guitare continuant le concert seule, en plein larsen devant l’ampli.
Après s’être fait un peu désirer, Dallas Green revient sur scène, vêtu d’un simple tee-shirt et donc, d’un large sourire. Il continue à se moquer de son public, qui lui réclame à grands cris The Girl : “Pour vous, peu importe les vingt morceaux qu’on vient de vous jouer. Pour vous plaire il suffirait de ne jouer qu’un seul morceau en fait…” et il entame le morceau, marqué par le retour du groupe, comme à l’habitude, à la moitié de sa structure.
Quelques morceaux supplémentaires et c’est, après plus d’une heure et demie, déjà la fin. On se regarde, guettant la réaction des uns et des autres et la sentence tombe, le sourire jusqu’aux oreilles : “Énorme !”. Comme des purs, des durs, on attend dehors la sortie du groupe. C’est presque une petite haie d’honneur qui accompagne donc successivement la sortie d’une partie de l’équipe du Trabendo, les vigiles, les barmens… Il y a tout de même assez peu de gens à attendre la sortie de l’artiste et, osons nous en réjouir, presque pas de groupies.
Dallas Green sort, bon dernier, accompagné de son régisseur. Il se prête amicalement (et on sait que ça lui coûte) au jeu des dédicaces et photos, prenant quelques minutes pour discuter avec chacun. À notre interrogation sur l’arrangement plus brutal de la majorité de ses morceaux, il répond “Tout ceux qui me connaissent savent que j’aime les deux : ma musique est à la fois douce et brutale et j’aime ce mélange .”
Oh oui Dallas, après ce soir on a bien compris… Et qu’est-ce que c’est bon !
Merci à Alias Production et l’agence Ephelide (Marion).
Photos par YAOF Design pour City and Colour France